Je suis devenu comme fou…

Je suis devenu comme fou. Je crois que ce que j’ai traversé est indescriptible.

Je m’en souviens comme si c’était hier. D’ailleurs, j’entends encore le chant des rossignols qui habille le silence du mois d’octobre. Gagné par l’automne, j’avais décidé de louer un très beau gîte en Bretagne. Ce dernier était enraciné dans une clairière. Je souhaitais passer quelques jours dans la forêt de Brocéliande, connue pour ses nombreuses légendes. Je voulais en fait m’éclipser avec ma femme Sonia et notre jeune fils Frédéric – alors âgé de huit ans à l’époque –.

La première nuit, tout s’était passé pour le mieux  si ce n’était cette étrange sensation d’être observés au microscope comme des souris de laboratoire. Un peu comme si des yeux fouillaient notre vie pour y dénicher la perle rare…

Le jour suivant, je m’étais isolé à une centaine de mètre de notre refuge, près d’une rivière qui creusait la terre. Je respirai à pleins poumons cet air frais pour m’oxygéner. Puis, à l’ombre d’un hêtre, je m’attaquai à mon prochain roman qui s’intitulait…

Non, je n’ai pas le courage de le dire. J’ai beau prendre des anxiolytiques et autres médicaments pour avoir l’esprit apaisé et lucide : c’est vraiment trop dur. Je ne peux pas ! Excusez-moi !

Pourquoi ce livre est-il aussi oppressant au fond de vous-même ?

Ce livre… Ah, ce livre ! C’est comme un appel à la forêt et ses légendes teintées de nuances multiples qu’on ne croit pas.

J’étais possédé par ses mots qui habitaient chaque cellule de mon corps. Les mots épousaient parfaitement ce lieu empreint d’un je-ne-sais-quoi. C’était comme un requiem : un chant funèbre. Je m’imprégnais de cette atmosphère étouffante, obscure et sournoise.

Comment avez-vous réagi face à, je vous cite : « Cette atmosphère sournoise » ?

Vous savez, quand vous écrivez, vous faîtes rarement front à la divinité des mots. Ils décident du sort de votre histoire et de vos personnages. Quand vous êtes plongé dans une marmite dont les ingrédients vous échappent, l’histoire du livre prend une certaine tournure quelque peu embarrassante… ! Vous en perdez le contrôle. L’écriture dissimule vos sentiments les plus profonds… En fait, la première réaction est de se laisser emporter par cette vague de mots, parfois innocents, qui vous envoûtent…

Et d’ailleurs, c’était derrière cet étrange décor qu’une présence invisible paraissait scanner et contrôler chacune de mes pensées… La nature était même complice de ce complot qui se tramait derrière mon dos…

Comment cela ?

Bien, vous savez, quand vous êtes face à une force que je qualifierais de paranormale tant le lieu s’y accorde sans faille, vous êtes comme happé par cette réalité parallèle et virtuelle. Vous naviguez contre vents et marées sur un monde qui ne vous appartient pas !

Vous paraissez bouleversé et prisonnier d’une réalité qui vous échappe ! Les médicaments semblent avoir des effets…

Qu’insinuez-vous ? Je ne suis pas du tout fou ! Je ne suis pas un toxicomane…

Ce n’était pas dans mon intention de vous juger… Mais, dîtes-moi en plus sur votre livre qui dégage, à vous entendre, une intrigue singulière…

Oui. J’étais comme prisonnier d’un univers qui s’imposait à moi… Je sentais la fraîcheur de cette présence m’avaler peu à peu…

Que s’est-il passé après ?

J’écrivais donc mon livre livrant à chaque page un peu plus de moi-même. La forêt s’est emparée de mon âme… Tout à coup, j’ai entendu un bruit indescriptible. Les couleurs prêtaient au ciel une multitude de nuances contrastées. Des éclairs d’un sang bleu le déchiraient avec violence. On aurait dit un spectacle de son et lumière dans une ambiance glauque. Les mots ont cessé d’exister.

La pluie, si soudaine, échappait à mon esprit cartésien. L’apparence était bien singulière. Les gouttes de pluie flottaient dans les airs. Elles étaient d’une couleur grise. Enfin, cela n’avait aucun sens… Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Puis, j’entendis au loin des bruits sourds : on eu dit des cris d’animaux tant l’atmosphère s’y prêtait…

Les sons assourdissants ont d’ailleurs écrasé mes mots comme une crêpe. Après avoir été plongé dans l’obscurité digne des films de Hitchcock, la nature se calma : le black-out total. Mais pendant un court laps de temps, j’ai senti une présence me flirter délicatement. Puis, plus rien…

Ce bruit que vous décrivez est effrayant ! Qu’avez-vous fait ensuite… ?

En fait, après avoir passé un mauvais quart d’heure comme hypnotisé par les évènements, mon premier réflexe a été de rejoindre le gîte. J’ai couru de toutes mes jambes… L’angoisse gagnait à chaque instant un peu plus de terrain dans ma conscience. Ils n’étaient plus là.

Qui ça ?

Et bien ma femme Sonia et mon fils Frédéric. Je les ai cherché partout durant de longues heures. Personne ne répondait à mon appel. J’étais en sueur : et si ? Vous savez, dans ces moments là, votre imagination s’emballe et vous fait croire les pires scénarii. J’avais imaginé qu’on les avait enlevés… voire pire encore ! Après ce qui s’était passé dans la forêt : un phénomène étrange qui s’était gravé à ma mémoire à jamais !!!

Puis, plus rien !

Je me suis réveillé le lendemain avec une migraine pas possible ! Du moins, c’est ce que je pensais. J’étais allongé sur un lit dans une chambre obscure. Je n’y comprenais rien… Juste au moment où je vois une femme habillée en infirmière. J’étais à priori dans un hôpital ou une clinique… Beaucoup d’appareils jonchaient au bord de mon lit. Selon l’infirmière, cela faisait déjà des semaines que j’étais plongé dans le coma.

Des sueurs naissaient à chaque pensée. Comment avais-je pu atterrir dans cette clinique ? J’étais complètement paumé.

Puis, pris d’une soudaine panique, je demandai : « Où sont ma femme et mon fils ? Où sont-ils… ? »

Selon des sources précises, suite à une enquête approfondie, on me révéla que j’étais célibataire et sans enfant. Aux dernières nouvelles, j’avais soi-disant eu un malaise pendant mon boulot. On m’expliqua que j’étais trader au réputé New York Stock Exchange. Mon malaise était sûrement dû à la crise financière que traversait en ce moment le Monde.

Puis, c’est là que j’ai pris peur ! J’ai demandé un miroir pour que je puisse me voir. Et là, j’ai mis du temps à prendre conscience que l’homme que je voyais dans la glace n’était pas moi…

Merci pour votre témoignage qui reste crucial après la découverte d’éléments troublants. Plusieurs cas similaires ont ainsi été recensés en France, notamment dans la région Bretagne. Que doit-on en penser ? A en croire leur témoignage décousu et incohérent, on pourrait se poser la question : est-ce l’épidémie de la folie ? Ont-ils étaient témoins de phénomènes paranormaux ou autres ? Je vous laisse seul juge de ces faits…

Emorizo, alias F. Ménez

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