[… 9 : 02… Gel douche… Céréales au chocolat… 10mg de protéines…Lait UHT demi écrémé… Journal de 9h05… Karen Fringer… Docteur en …]
[… Démarrer. Soft word. Licence d’utilisation accordée. Fichier. Nouveau. Document…]
Approche ! Oui, toi qui me lis en ce moment sans savoir où l’on va ! Prête-moi tes yeux pour écrire des mots, des chemins multiples pour créer une histoire. Le bar de mes pensées est vide, vide de vers qui ne dansent plus sous les projecteurs. Tes yeux sont la voix de mes mots.
Une biscotte endormie entre mes dents, je cherche l’inspiration qui te comblera ! Car vois-tu mon très cher lecteur (ma très chère lectrice), il faut être deux pour donner naissance à une histoire. L’histoire a besoin de toi pour exister en dehors de son écrivain. Allez, réveille-toi ! Tu m’as l’air d’être dans le flou le plus total. Si tu n’y mets pas du tien, on court tout droit à la catastrophe. Il me faut, je le sais, commencer à écrire pour te nourrir l’esprit d’idées novatrices dans un monde qui ne ressemble plus à rien. Ecrire pour te donner les armes qui t’aideront à mieux apprécier ta lecture. Ecrire pour te révéler d’autres univers. Tiens, que dirais-tu d’une pièce de théâtre ? Je vois, avec ce sourire en coin que tu affiches, que cela t’intéresse. Bien, commençons alors ! Génial. Enfin la lecture d’une pièce va nous donner l’occasion de nous lâcher. Toi : ton imagination. Moi : mon écriture. Attends, ne cours pas si vite sur la voie de la création. Attends, j’appelle nos amis les mots à la rescousse car cela ne s’improvise pas. Il faut créer des personnages, bâtir une solide pièce avec une idée motrice de nos aspirations. Es-tu prêt(e) à vivre ce moment unique que partage un écrivain avec son lecteur (sa lectrice)? Que dirais-tu d’une histoire qui se déroule durant le 19ème siècle avec des costumes d’époque : imagine ! J’ai d’ailleurs un tas de vieux vêtements en réserve… dans un coin. Je pense qu’ils feront l’affaire.
Là, tout près ! Approche…
Non, ça ne te dit plus rien ! Voilà, mon très cher lecteur (ma très chère lectrice) change d’avis comme de chemise ! Ou alors je te propose une pièce déjà écrite. Tu seras seul(e) maître (maîtresse) à bord de ce navire qui mène les hommes et les femmes, jeunes et vieux dans un univers complexe, subtil, humoristique: les souliers de satin. N’entends-tu pas dans ta tête les mots qui se déguisent à ta guise pour réinventer l’univers de Paul Claudel.
Non ! Apparemment, cher lecteur, chère lectrice, je me permets de te le dire en face : tu es inculte et tu as le cerveau en compote. Allons, il faut faire un effort ! Je ne sais plus moi ! Aide-moi au lieu de me lire sans qu’il y ait une étincelle, une petite lueur qui campe là : ton imagination si pauvre soit-elle !
De toute façon, le lecteur ou la lectrice, que tu es, éteint trop facilement sa conscience au monde des mots, des hiéroglyphes et pourquoi pas à l’Ogham, ou l’Alphabet Beth-Luis-Nuin ! Des symboles qui composent pour toi des opinions sur lesquelles tu as le droit de t’exprimer. Accorde un minimum de ton temps libre pour donner vie à la vie. Des symboles qui créaient un lien unique entre toi et moi comme de bons vieux complices.
Non, ne t’en vas pas si tôt. Je ne voulais pas te vexer…
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…]
Quel long silence ! Que lisais-tu dans tes pensées pendant ce temps ? Ce temps où tu m’a lâché…En tout cas, je vois que tu reviens avec un sourire discret mais bien affiché. Je m’en réjouis. J’admets que le message que j’essaye de te faire passer n’est pas clair, limpide comme de l’eau de roche. Est-ce pour cela que tu tirais tout à l’heure une sale tronche à en lire les rides et les grimaces qui dessinaient les traits de ton visage ? Je m’inquiétais, tu sais… ? Bon, passons… !
Et, si nous continuions : un pas de plus dans la lecture des mots qui fondent en songe. En tout cas, j’espère que tu es bien installé(e) sur ton fauteuil, mon ami(e) ! Je peux maintenant te considérer comme un(e) ami(e) ! On est plutôt intime : toi et moi, les mots voyageant dans nos yeux. N’est-ce pas ?
Je devine, sur ton visage, que tes yeux dévorent avec tact, amour, humour et délectation ses quelques notes de simplicité sur la partition de ma poésie. Oh oui, j’aime partager, avec toi en l’occurrence, ce moment de paix animée quand on parcourt ces quelques lignes remplies de complicité.
Tu lis dans mes pensées : comme un livre, une partition de musique, une calligraphie, une peinture ou tout simplement un message à faire passer. Je t’invite donc à aller plus loin dans ma démarche : rien que toi et moi ! Est-ce que cela te convient ?
Enfin, je respire à travers tes sens : le toucher, la vue et l’ouïe. Je peux enfin te transmettre mon héritage littéraire : mes opinions, ma connaissance, mon expérience, ma vie… Prends donc le temps qu’il te faudra pour habiter mon Moi le plus profond, pris aux entrailles. Même si le Temps te presse comme un citron : histoire que je tombe au plus vite aux oubliettes.
Surtout, n’oublie pas ! Je suis tes mots aiguisés qui s’inventent à ta guise…
Tiens… ! Ecoute mon ami(e), il semble que les mots en laisse tambourinent au lointain… dans les profondeurs…
J’entends tout à coup des mots qui chevauchent sur le bleu de tes yeux. Ah, tes yeux sont verts… Non ! Eh bien, choisis la couleur qui te convienne au mieux… Au fait, une armée de voyelles et de consonnes glisse le long des veines et termine son voyage au creux de ma main. C’est toi, mon ami(e), qui donne la vie à mes mots. Je ne suis que l’instrument de tes pensées. Ma raison d’être réside selon ton humeur.
Les mots-scions s’affolent ! Ils arrivent en force sous l’ombre de ma plume.
Ecoute ! Ils galopent au son d’une cornemuse sur la feuille-prairie, sous chacun de mes doigts.
Je sens qu’ils ont envie de se donner en spectacle. En effet, ils ont une histoire à nous conter. Ils coulent sous l’encre de mon stylo à plume.
Ils sont là, bien présents !
Ecoutons les et laissons nous bercer de leurs douces mélodies… « Il était une fois une jolie princesse… » Stop ! Non, on ne peut pas laisser partir les mots sur une histoire aux airs de vieux clichés. Il nous faut du neuf, du beau, de l’action, du sensationnel et voire des émotions.
« Je me souviens de… » Non ! Déjà fait… Il nous faut passer à autre chose. Quelque chose d’innovant, d’envoûtant qui tienne en haleine le lecteur (la lectrice) et son auteur. Etes-vous d’accord mon très cher lecteur, ma très chère lectrice ?
Faîtes un effort messieurs et mesdames les mots. Donnez nous l’envie de suivre votre aventure. Soyez créatifs… Lâchez vous !
[… Machu picchu : la cité inca du Pérou…
Emission présentée par Jean Maurice Nahot…
Réalisée par Georges…
Découverte en 1911…
Perchée à 2045 m…
…]
Je vois que vous êtes distrait par l’émission à la télévision. Je comprends que l’inspiration naît de ce que l’on offre à nos sens. Mais, que cela ne nous mène pas dans le déjà-vu… Soyez plus créatif que jamais.
A vous les studios ! Moteur, ça tourne… !
« Vous aies-je déjà parlé de ma tante Agathe… » Et bien voilà ! On tient le bon fil… Continuez sur votre lancée. On vous écoute.
« Nageant dans le brouillard, le cœur battant, ma tante Agathe pris son courage à deux mains et avança aveuglément. La cité se réveillait à chacun de ses pas. Puis, la brume se dissipa. Enfin, la voilà plongée au sein de la ville Machu Picchu au sommet de la cordillère des Andes…Là où jadis vécut un peuple aux légendes qui remontent dans les temps les plus reculés… Les murs, à eux seuls, racontaient l’histoire de cette ville-forteresse. Ils étaient empreints d’une singulière sensation. Ma tante vivait intensément l’Histoire des Incas qui se déroulait comme une longue pellicule… » Ah ! Eh bien, que vous arrive t-il mes chers mots ? L’inspiration vient à vous manquer ? Ayez un peu plus d’imagination ! Certes, les mots prennent forme sous ma plume mais je ne suis point maître de leur devenir mon cher lecteur, ma chère lectrice. Ne vous endormez pas sous vos lauriers. Du nerf ! Je veux, dans le même ordre d’idées, un texte à la hauteur de la neuvième symphonie de Beethoven.
Les mots m’insufflent à peine à l’oreille quelques notes que ça y est, c’est déjà reparti…
« … Ma tante traversait ainsi Machu-Picchu, impressionnée par tant de génie architectural pour un peuple qui selon les dires des historiens et archéologues orthodoxes existait depuis 1470 après J.-C. environ. C’est ce qu’elle doutait le plus. A l’image de l’Egypte antique, tous les mystères des architectures raisonnaient dans sa tête. Comment est-il possible qu’un peuple tel que les Incas ait pu construire une ville perdue au milieu de nulle part dans les montagnes verdoyantes. Sans oublier que Rolf Müller – professeur d’astronomie à l’Université de Postdam – affirme, au regard de ses recherches sur le site, que Machu-Picchu est aussi ancienne que la construction des pyramides d’Egypte. Cette légendaire cité gardait les clés d’un savoir inaccessible et suscitait chez ma tante beaucoup d’interrogations ! Y aurait-il eu une autre civilisation antérieure aux Incas lesquels se sont appropriés les lieux… ? L’histoire retiendra que les conquistadors et les missionnaires espagnols ne l’ont pas découverte. En cela, ma tante prenait conscience de ce site unique qui échappa aux pillages et aux déprédations de l’époque coloniale. Elle avait le sentiment d’être éternelle comme ses pierres qui dessinaient la cité… »
Mais c’est génial ! N’est-ce pas mon ami(e) ? Les mots dévoilent enfin un peu de leur magie. J’ai hâte d’en savoir plus.
« Les légendes parlent d’un homme aux longs cheveux blancs et tout vêtu de blanc ayant apporté son savoir aux Incas. Ce grand homme blanc se prénommait Viracocha (« L’écume de mer » en sanscrit). Ils en firent leur Dieu principal… »
Stop !
Mais, qu’est-ce que vous faîtes… Vous ne pouvez tout de même pas…
[… Le mélange subtil d’un café noir avec les arômes du caramel en réjouira plus d’un. Avec sa nouvelle dosette peace and caramel, Parfum Subtil saura vous combler…]
Une publicité sur l’emballage du paquet de café. Il manquait plus que ça. Là, mon ami(e), tu t’égares. Du café ! Il faut toujours qu’on soit interrompu dès qu’une histoire nous passionne. J’espère mon très cher lecteur, ma très chère lectrice que tu n’en as pas perdu une miette. Alors pour rappel… J’ai oublié le fil conducteur. Je pense qu’il serait plus judicieux de laisser les mots faire leur boulot.
Hé, mon ami(e) ! Tu roupies ou quoi… ? Je n’y crois pas ! Mais dis moi carrément que me lire te procure un soupçon de narcolepsie… ! En plus, il m’ignore…
[…
…]
Ça y est tu as fini ta sieste ! Ça fait une bonne heure que les mots attendent le signal. Ils se bousculent au portillon.
La route de l’information fait qu’on est noyé dans la publicité, les courriels et j’en passe les meilleurs. A-t-on un espace libre à nos propres pensées sans être attaqué par ce flux incessant de données ?
Bref, où en étions nous ? Ah oui, voilà, j’y suis : « A travers le Pérou, Viracocha apparaissait souvent aux voyageurs… Il donna naissance à la mythologie. Quant à ma tante Agathe, avec ses cheveux et ses vêtements blancs, elle semblait être un fantôme du passé vagabondant dans les rues de Machu Picchu… »
Ah ! Excuse moi, je ne me sens pas bien.
[… Docteur Karen Fringer… Un écrivain qui s’imagine le lecteur idéal, celui qui déshabille les mots pour laisser voir en fait que Mr J. est atteint d’un mal qui le ronge au plus profond…]
Merci, c’est juste un malaise ! Je me sens d’attaque pour poursuivre avec toi mon très cher lecteur, ma très chère lectrice l’histoire de Machu Picchu. Au regard de ma feuille de soin, les médecins me prennent-il pour un fou ou quoi ?
Cher lecteur, chère lectrice suis-je fou ? Non, bien sûr. Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde. Je le lis sur leur visage cette expression inquisitrice.
Tu existes vraiment…n’est-ce pas ! J’ai pourtant l’impression d’être enfermé dans un hôpital psychiatrique avec comme seul compagnon de cellule moi-même. Mais, ce n’est pas le cas. Tant que tu existeras mon ami(e), je prendrais de l’importance dans tes pensées : une empreinte laissée comme un témoignage poignant de l’existence des mots, voire moi ! Je sens que tu es assoiffé(e) par les mots-sang, par la lecture qui me donne le pouvoir d’exister à travers les temps…
Désormais, je t’incombe de la lourde tâche d’être mes yeux. Car la lecture me manque déjà. Elle est ma vie mon ami(e).
On m’a parlé d’une autre manière de lire. Un certain Louis Braille a inventé une méthode destinée aux personnes atteintes de cécité. Mais, arrivé au stade de ma maladie, elle n’est d’aucune utilité.
En réalité, cher lecteur, chère lectrice, je suis atteint depuis des mois d’une maladie insidieuse : le glaucome. A cela se rajoute une sensibilité du toucher et de l’ouïe qui s’éteint à petit feu. Les maux habitent chacune de mes cellules. Ils me dévorent de l’intérieur. On l’appelle la maladie des sens… Est-ce de ce terrible constat que vient cette dite folie ?
Peu importe ! Que tu me lises ou pas, mes veines sont gorgées d’encre à en engloutir des empires imaginaires. En tout cas, te croiser sur mon chemin, mon chemin de l’imaginaire, m’est un plaisir.
Emorizo, extrait de Rendez-vous insolites avec le destin (2011)
Copyright© Tous Droits Réservés, Rendez-vous insolites avec le destin, F. Ménez-2016
Plaisir partagé ! ❤️ .. j’aime qu’on « me nourrisse l’esprit d’idées novatrices dans un monde qui ne ressemble plus à rien ». 🙂
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Ca fait un petit bout de temps que j’ai écrit cette « nouvelle » en guise d’introduction pour mon blogue. Elle résume bien mon état d’esprit qui a un peu évolué. Content que « Mes chers amis » plaise 😉
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